Sujet libre du 21ème concours : « Un des Meilleurs Ouvriers de France » en gravure sur acier – période 1997/2000. Création d’une médaille sur le thème « d’un des Travaux d’Hercule »
I/VI – RECHERCHES SUR LE SUJET
Dans la littérature.
Dans les différents textes traitant des travaux d’Hercule, on peut noter une grande divergence sur les détails et l’ordre des travaux. Il est difficile d’avoir vraiment des éléments clairs sur le sujet, puisque les travaux d’Hercule font partie de la mythologie. Ce mythe était transmis par voie orale. Il a été embelli, transformé, glorifié… à différentes époques. On trouve peu de textes de référence. Par contre, le mythe d’Hercule a beaucoup inspiré la littérature enfantine. Il est mi-homme, mi-dieu. C’est un héros, un modèle pour les grecs et les romains dans l’Antiquité.
Hercule est le plus célèbre des héros de la mythologie romaine (chez les grecs, on l’appelait Héraclès). Il est fils de Jupiter (dieu et père d’Hercule) et d’une princesse thébaine, Alcmène, renommée pour sa fidélité. Pour l’approcher, Jupiter dut prendre l’apparence de son époux, Amphitryon.
Dès sa naissance, Hercule, élevé par Alcmène et Amphitryon, est en butte à la jalousie de Junon (déesse et épouse de Jupiter) qui cherche à faire disparaître l’enfant. Elle envoie des serpents dans son berceau, mais le jeune Hercule les étouffe.
Plus tard, Hercule reçoit une certaine éducation musicale, mais, ne supportant pas les remontrances de son maître Linos, il le tue dans un accès de violence. Pour expier ce meurtre, il est envoyé parmi les bergers du mont Cithéron. Il revient à Thèbes et aide son “père” mortel, Amphitryon, à lutter contre la cité d’Orchomène.
Dans un accès de folie provoqué par Junon, il tue sa femme et ses enfants. C’est suite à cet épisode qu’il consulte les oracles qui lui imposent, pour expier son geste, une série d’épreuves. Pour cela Hercule doit se mettre au service de son cousin, le roi de Tirynthe, Eurysthée, commanditaire des douze travaux. Derrière ceux-ci, on retrouve Junon qui cherche encore à l’éprouver.
Choix du lion de Némée
Parmi les douze travaux d’Hercule, celui du lion de Némée est pour moi le symbole le plus fort. Il représente Hercule aux yeux de tous. C’est la Force, la puissance, le courage. Le travail demandé à Hercule est de trouver le lion qui ravage alors le pays de Némée. Tout le monde vit alors terré derrière les fenêtres et portes closes. Hercule le traque pendant des jours et des nuits jusqu’à son repère, guidé par les rugissements du lion. Quand il finit par se retrouver face au lion, il saisit son arc et ses flèches mais aucune d’elles ne parvient à le transpercer. Le lion s’enfuit et Hercule finit par le retrouver dans une caverne. En inspectant le repère du lion, Hercule constate que le lion est sorti par une autre issue. Hercule bloque alors cette voie avec des bûches et des fagots auxquels il met le feu. S’enfermant ainsi dans la caverne avec le lion, il l’affronte et l’étrangle à mains nues. Il le dépouille et se vêt de sa robuste peau.Différentes représentations d’Hercule Dans l’Antiquité, Hercule est presque toujours revêtu d’une peau de lion dont la gueule recouvre son crâne ; il porte une barbe courte et est toujours représenté avec un corps musclé et athlétique. Ses armes et attributs varient selon les adversaires qu’il affronte : c’est le plus souvent la massue et l’arc, mais aussi l’épée affilée et étincelante dans un fourreau d’argent, remise par Mercure ; une faucille, quand il s’agit de trancher les têtes de l’hydre ; ou même une fronde contre les oiseaux du lac Stymphale. Il est parfois doté d’une cuirasse en or forgée par Vulcain.
Parmi les travaux, l’épisode du lion de Némée est de loin le plus fréquemment représenté, en particulier dans la céramique attique. Il figure aussi sur les monnaies d’Héracléa, cité de Lucamie (Vème siècle av. J.-C.). D’autres sont au contraire fort rares, comme la lutte contre les oiseaux du lac Stymphale ou la capture des chevaux de Diomède.
L’image du surhomme Hercule a par elle-même quelque chose de pittoresque, qui se prête particulièrement aux recherches de la sculpture. Les exemples antiques de l’Hercule Farnèse et du Torse du Belvédère s’offraient aux yeux de tous, ces œuvres étant connues et admirées dès le début de la Renaissance. L’Hercule vainqueur de Cacus de Baccio Bandinelli (1534, marbre, place de la Seigneurie, Florence) nous montre un colosse raide et comme engoncé dans sa propre musculature. Au début du XXe siècle, Antoine Bourdelle a donné une célèbre interprétation de l’Hercule archer (nombreuses versions, un bronze au musée d’Orsay à Paris) qui met en valeur la tension du corps athlétique. La figure d’Héraclès a été utilisée par Alexandre le Grand, souvent représenté sur les monnaies avec une gueule de lion sur la tête. De même l’empereur Commode (180-192 ap. J.-C.) s’est assimilé à Hercule (statue, Rome, Vatican ; buste, Rome, capitole).Hercule a servi de modèle à certains souverains modernes, qui se sont fait représenter avec la massue et la peau de lion, en particulier Henri IV (camée, fin XVIème siècle, Paris Cabinet des médailles ; émail polychrome, Écouen, musée de la Renaissance). Hercule, fils de dieu et devenu lui-même dieu, se prêtait parfaitement à devenir le symbole du souverain absolu dans les régimes monarchiques de l’ancienne Europe. Aussi les Apothéoses d’Hercule sont-elles fréquentes aux plafonds des palais royaux et princiers. Pierre de Cortone en a représenté une au palais Pitti, Lemoyne à Versailles, Raphaël Mengs au palais royal de Madrid, et ce ne sont là que quelques exemples entre bien d’autres. Il y a dans les aventures d’Hercule et dans son personnage d’infinies possibilités pour les artistes, soit qu’ils illustrent les aspects pittoresques ou singuliers de sa vie, soit qu’ils en tirent parti pour dévelo per des idées morales et politiques. L’image du surhomme est ancrée au plus profond des esprits ; rien d’étonnant à ce que le héros qui l’incarne le mieux soit resté célèbre, même auprès d’un public qui ne connaît plus très bien la mythologie antique.
II/VI – RECHERCHES ICONOGRAPHIQUES
Afin de créer la médaille d’un des travaux d’Hercule, j’ai cherché à savoir dans un premier temps, comment différents artistes avaient traité par le dessin, la gravure ou la sculpture, le personnage d’Hercule, les lions, ou Hercule combattant le lion de Némée. Dans un deuxième temps, j’ai fait des recherches plus personnelles en mettant en scène des judokas pour trouver des postures de combats alliant la force, le mouvement, sur la base de l’étranglement.
1 – médailles et monnaies antiques :
J’ai effectué des recherches dans les médaillés de différents musées. Les monnaies de Evainète m’ont particulièrement touchées et impressionnées par leur qualité. J’ai également trouvé des monnaies grecques et romaines représentant Hercule, dans des catalogues d’exposition et livres numismatiques.
Monnaies diverses :
Syracuse – gravure attribué à Evainète – Pièce d’or – vers 400 av J.-C.
Cité de l’Iles de Lebée – Carysttus – début 2ème siècle av J.-C.
Cité de Thasos – Pièce d’argent – fin du 2ème siècle av J.-C.
Héracléa – Pièce d’argent – 3ème siècle av J.-C.
Monnaie face et revers
Cité de croton – Pièce d’argent – 3ème siècle av J.-C.
2 – Dessins, peintures et bandes dessinnée :
Hercule a également inspiré des artistes peintres, notamment Léonard de Vinci et Michel-Ange.
Burne Hogarht, par la bande dessinnée, m’a beaucoup inspiré, par ses scènes de Tarzan, notamment dans ces combats avec les lions et autres bêtes sauvages. Il a su rendre l’anatomie humaine et animale de manière très vivante, avec beaucoup de tension et de mouvement…
3 – Sculptures :
a) de lions :
J’ai surtout retenu les travaux de A.L. BARY, qui a sculpté de nombreux modèles en bronze et réalisé des études en plâtre que l’on trouve au Louvre et dans le Jardin des Tuilleries. Ses modèles dégagent de la force, de la puissance. Ses sculptures d’un réalisme impressionnant ont été ma principale référence de l’anatomie féline.
D’autres sculpteurs comme CAIN notamment, ont également été des sources d’inspiration.
b) d’Hercule :
Voici quelques références de sculptures qui m’ont aidé sur un plan anatomique (modelé) et postural :
– Michel Anguier (1614-1686) : Hercule aidant atlas
– Nicolas Coustou (1658-1733) : Hercule Commode
Un bas-relief Summérien m’a surpris par une composition aux antipodes de notre mode de représentation courant, avec un lion minuscule et un Guilgamesh (l’Hercule summérien) surdimensionné, symbolisant la puissance et la filiation divine.
4 – Photographies de judokas :
J’ai demandé la participation de deux judokas pour représenter le lion et Hercule combattant. Afin d’obtenir un maximum de puissance et de vraissemblance dans la posture d’Hercule. Il fallait lui opposer une force contraire. C’est pourquoi mes photos mettent en scène deux personnages travaillant des techniques d’étranglement et de clefs de cou.
III/VI – RECHERCHES SUR LA COMPOSITION DE LA MÉDAILLE
La force et la puissance ont été l’axe central de mes recherches. J’ai étudié longtemps des compositions qui mettent le plus possible en valeur cette idée force.
Pour cela, j’ai essentiellement travaillé par calque. Ce support me permettait d’enchevêtrer différentes attitudes. Ensuite, j’ai numérisé ces croquis sur informatique.Je les ai retouchés, modifiés et transformés à plusieurs reprises. J’ai ainsi obtenu de nouvelles attitudes et postures qui m’ont donné d’autres bases de dessins à retravailler ; et j’ai continué ainsi de suite jusqu’à obtenir la composition finale. J’ai trouvé un bon équilibre entre les recherches dessinées sur calque à la main et l’apport de l’informatique.
IV/VI – RÉALISATION DE LA MÉDAILLE
– Sculpture
Après toutes ces étapes (recherches diverses, croquis…), j’ai transposé mon dessin finalisé en volume en un modelage en terre. Ceci m’a permis une mise en place rapide et vivante, à l’échelle 3.
De là, j’ai tiré une empreinte en plâtre pour effectuer des corrections, des ajouts de matière…
Et ainsi de suite : moulage, contre-moulage, corrections… Finalement, il y eut en tout 1 épreuve en terre, 4 contre-moulages et 4 tirages pour finaliser mon projet sculpté.
Pour finir, j’ai fait un tirage en résine chargé en bronze pour obtenir un modèle dur et résistant aux palpeurs. Tout au long de cette réalisation, j’ai cherché à m’entourer d’autres compétences (sculpteurs, dessinateurs, graveurs, etc.) pour enrichir mon propre point de vue.
V/VI – RECHERCHES TECHNIQUES COMPLÉMENTAIRES
1) approche des nouvelles technologies en gravure
J’ai soumis mon projet à l’équipe de Vision Numérique (concepteur de logiciels alliant le dessin et la gravure en deux ou en trois dimensions). Nous avons défini ensemble plusieurs pistes de travail usant de nouvelles technologies.
a) Le palpage :
Malgré ces nouvelles technologies, toutes nécessitent la réalisation d’une sculpture (ici, à l’échelle 3). J’avais envisagé de faire un palpage au laser, car il me paraissait meilleur et plus précis, sans contrainte mécanique. En fait, je faisais fausse route.
J’ai rencontré la société Remishaw (fabricant anglais de machines à palper, laser et mécanique), qui m’a conseillé le palpage mécanique, beaucoup plus précis que le laser. Il m’a expliqué que le rayon laser perdait des informations en raison de la réflexion sur le modèle. Mais, lors du palpage, sur la fin, un “bug” a gêné l’opération. C’est pourquoi il manque un petit morceau sur le haut.
b) L’usinage :
Dans toutes les options étudiées, j’avais besoin de faire un fichier “type art” (logiciel qui traite les volumes), obtenu par palpage de ma sculpture.
– 1ère option : usinage au laser
J’ai rencontré la société ALLTEC, fabricant et vendeur de machines d’usinage au laser. Nous avons fait le tour des possibilités de ce type de machine. L’une des contraintes majeures en rapport avec mon projet était une surface d’usinage limitée à un carré de 70mm de côté. De plus, il aurait fallu faire de nombreux essais pour trouver les bons paramètres d’usinage dans l’acier. Les exemples que j’avais sous les yeux, m’indiquaient des soucis sur la qualité des dépouilles et sur la trame d’usinage assez marquée. Pourtant, l’usinage avec ce type de machine est révolutionnaire par sa rapidité et l’intérêt de ne pas être tributaire de fraises cassantes. C’est un bon outil de “dégrossissage”, utile pour les usinages rapides. Ce n’est pas ce que je recherchais ; j’ai donc écarté ce mode d’usinage.
– 2ème option : usinage mécanique avec une machine à commande numérique
J’ai fait réaliser un prototype sur résine. Pour cela, le fichier palpé a été transposé sur “Type art” de Vision Numérique. Le résultat était intéressant, avec un meilleur rendu que l’usinage au laser mais je ne l’ai pas choisi parce que ce type de travail ne me permettait aucune intervention manuelle au cours de la réalisation. De plus, les résultats que j’avaient pu observer ne me satisfaisaient pas pleinement.
2) solutions traditionnelles : tour à réduire et pantographe
Le travail au tour à réduire aurait permis une bonne reproduction du modèle, avec peu de travail en finition mais avec des risques de mauvais usinage des dépouilles.
Donc, entre les deux solutions, j’ai finalement opté pour la réduction de ma sculpture au pantographe. En effet, ce mode d’usinage, en me permettant d’intervenir tout au long de la réalisation, me laissait la possibilité d’une plus grande souplesse, d’un meilleur contrôle et d’un travail plus précis sur les dépouilles.
– Réduction de la médaille au pantographe.
– Finition main en gravure :
Avec la finition main, j’ai apporté les dernières modifications à la médaille. Entre autres, j’ai marqué une horizontale afin de clarifier le “sens de lecture” du motif. J’ai également travaillé les matières (pelage du lion, sol, fond…) et supprimé toute trace parasite d’usinage.
– Traitements thermiques
Matière : Z50CWDV5 – SMV5W – Poids : 10kg
Le cycle a été effectué dans un four de trempe sous vide : préchauffes à 680°C puis 780°C – austérisation à 1000°C – trempe sous azote surpressée – 2 revenus successifs à 520°C (convection d’azote) – duretés 59-60HRC
– Estampage
La frappe des médailles s’est faite sur un balancier à frictions de 400 tonnes. Nous avons utilisé du cuivre et du bronze “demi-rouge”. Il y a eu plusieurs passes, et entre chaque passe, un recuit, un déroché, un polissage et un dégraissage.
– Finition
Les médailles d’Hercule ont été mises à la côte par tournage. La pièce en cuivre est restée “brut de frappe”, alors que la pièce en bronze a été microbillée, dorée, oxydée et patinée. Diamètre 84mm, éditées à 3 exemplaires : 2 en bronze dorée patinée viel or et un 1 en cuivre sans patine (pour apprécier a qualité de la gravure)
VI/VI – RÉFLEXIONS ET CONCLUSION
Il m’a été difficile d’entrer dans ce sujet parce que j’étais déjà depuis longtemps sur la gravure du visage de jeune fille. Il a fallu m’en détacher momentanément pour parvenir à me concentrer sur la médaille d’Hercule.
C’était un travail de création intéressant, motivant. J’ai aimé me plonger dans le monde des nouvelles technologies en gravure, voir et tester les intérêts et limites de chacune d’elles.
Après réflexion et étude de ces nouvelles voies, j’ai préféré revenir vers les méthodes traditionnelles, peut-être moins rapides, mais qui permettent de garder une proximité avec le travail en cours et une meilleure qualité d’usinage.
De plus, le travail de création m’a permis de tisser des liens avec des artisans d’horizons diverses. Ces contacts “inter-métiers” ont été très enrichissants car chacun a pu apporter des éléments qui m’ont guidé jusqu’à la finalisation de ce projet. A la fois, il y avait des liens entre nous, mais avec des points de vue différents.
En conclusion, ces deux sujets m’ont particulièrement passionné. De par leur richesse et leur complexité, chaque avancée révélait de nouvelles subtilités.
C’est pourquoi il m’a été difficile de mettre fin à ce travail.
Dans la réalisation d’une gravure, on a le sentiment que l’on pourrait toujours aller plus loin… Mais décider la fin d’une réalisation, c’est à la fois frustrant mais régénérant…