Oscar ROTY, Grand Prix de Rome en Gravure médaille – FIDEM

Conférence pour le 36ème congrès international de la FIDEM au Japon
par Nicolas Salagnac,
Graveur médailleur,
Meilleur Ouvrier de France à Lyon,
membre FIDEM France.

 


1875 Oscar Roty Grand Prix de Rome en Gravure et la gravure de médaille, demain, toujours un Art ?

Louis Oscar Roty est né à Paris le 12 juin 1846, où il est mort le 23 mars 1911.

Augustin Dumont écrivait en 1867 : « Le jeune Oscar Roty, est un de mes meilleurs élèves de l’atelier que je dirige à l’école des Beaux-Arts de Paris… Il a de grandes dispositions pour les Arts et j’augure bien de son avenir. Les récompenses qu’il a déjà obtenues dans les concours attestent de ses progrès et j’espère que de nouveaux succès viendront couronner ses efforts. Je m’intéresse vivement à lui et je suis convaincu qu’il le mérite à tous égards. »

Deux ans après ce jugement, en 1869, Oscar montait pour la première fois en loge pour le concours triennal de gravure en médailles du Prix de Rome, il obtenait une mention, avec le sujet : « la fortune et l’enfant ».
En 1872, il montait une seconde fois en loge avec le sujet : « Un soldat spartiate préparant ses armes avant le combat des Thermopyles. » Il obtenait un second Grand prix.

En 1875, il était à la limite d’âge pour ce concours, et il obtenait enfin le Premier Grand Prix de Rome avec comme sujet : « un berger cherchant à lire une inscription gravée sur un rocher du passage des Thermopyles. »

Pensionnaire à la Villa Médicis, Académie de France à Rome :

Les anciens pensionnaires de la Villa Médicis à Rome avaient coutume de réserver un accueil un peu méprisant aux graveurs en médaille, et pour leur Art qu’ils considéraient comme mineur.

Un des premiers repas pris en commun fournit à Roty l’occasion de faire comprendre en quelques mots nets qu’il entendait faire respecter l’Art qu’il avait choisi, ainsi que sa personne. Pendant trois ans, il enverra ses travaux qui seront présentés à l’école des Beaux-Arts de Paris.

En 1878, Armand Silvestre dira : « le public qui visite l’exposition des envois de Rome, ne fait pas assez attention aux œuvres de gravures en médaille. Est-ce parce que leurs œuvres sont d’un plus petit format ? En ce cas, ce dédain n’est pas justifié. Ceux qui n’ont pas vu l’envoi de Monsieur Roty, doivent le regretter… »

Il recevait des nouvelles de l’école des Beaux-Arts. «Ce qui fait tourner les fortes têtes de nos successeurs (à l’école) c’est la science et l’originalité. On sabre sans pitié tout ce qui ne s’étale pas savant ou nouveau… Tout cela ne vise qu’au coup d’épate… On veut autre chose et chacun de chercher à tâtons dans l’obscurité… Du nouveau, du nouveau ; le parterre demande du nouveau. Il fut un temps où l’on demandait du beau, puis on s’est ingénié de combiner le beau avec le réel, pris pour le vrai, et le beau a commencé à faire certaines grimaces qui n’étaient pas précisément belles. On criait de l’Art pour l’Art ! On hurle aujourd’hui : « du nouveau pour du nouveau ! » (Août 1878).

Roty quittait Rome ensoleillé et retrouvait Paris couvert de neige.

 

Retour en France à Paris, et aux réalités de l’existence :

En 1881, sa première commande pour la Monnaie d’Haïti,

puis des médailles commémoratives : première exposition d’Électricité et des chemins de fer d’Alger à Constantine.

Au Salon de 1885, il recevait une médaille de première classe, jamais encore décernée à un médailleur, avec le portrait de Pierre Boulanger. Il sera également le premier titulaire de la médaille d’honneur en 1905.

Les grands médailleurs de la Renaissance avaient hissé l’art de la médaille vers les sommets. Au siècle de Louis XVI, le même art était devenu un “métier”. Les graveurs de cette époque étaient des ouvriers, formés à ciseler et graver des armes à Saint-Étienne ou à Liège. Leur rôle se bornait à graver les outillages pour la frappe, d’après les compositions des peintres et sculpteurs de l’Académie.

Et vient le temps de Jacques Edouard Gatteaux, d’Augustin Dupré, d’Eugène-André Oudiné, qui ne traduisent plus la pensée d’un autre mais redonnent une vraie place d’artistes graveurs médailleurs et d’auteurs de compositions en médailles.
Depuis 1826, la gravure en médaille est représentée à l’Académie des Beaux-Arts par un seul artiste : Jules-Clément Chaplain. C’est à son initiative et grâce à ses démarches, que fut rétablie la place jadis supprimée. Ce geste témoignait de sa haute valeur morale et Roty lui est d’une profonde reconnaissance. Roty était élu à l’Académie, le 30 juin 1888. Il se donnait entièrement dans tout ce qu’il entreprend et prend à cœur son rôle d’académicien.

La semeuse :

Certaines des œuvres de Roty ont reçu un accueil sans histoire, mais toutes les critiques se rassemblaient sur la « Semeuse », que l’on accusait toutefois de semer contre le vent. Roty a répondu : « Elle sème des idées généreuses sans se soucier des vents contraires ». Les critiques ont cessé aussitôt.

L’origine de cette Semeuse remonte à un projet de 1887, une médaille pour le ministère de l’Agriculture, restée sans suite.

Il reprenait sa composition en 1896, pour répondre à une commande du Ministère des finances. Son dessin allait prendre corps en 1897, il le travaillait en cire sur ardoise, la semeuse sortant du plan, pour marquer la vie des français à jamais, tant la grâce du mouvement, le drapé, et le symbole vont toucher les français au cœur.
Pour la première fois, à La Monnaie, on a utilisé le tour à réduire de précision pour reproduire fidèlement le bas relief de l’artiste Grand Prix de Rome, sur l’acier qui deviendra ensuite, matrice de frappe. Les premières pièces seront frappées d’argent. Les pièces d’or et de bronze de Chaplain et de Dupuis, restent traditionnelles, Oscar Roty offre ici une œuvre réellement novatrice, dont le succès est immédiat.

La Semeuse combine et associe une image guerrière, combative de la République, et une image apaisée, sereine, féconde, répandant la richesse sur terre. À l’arrière-plan, le soleil est l’expression des lumières de la liberté.

Chacun comprend, il n’y a pas de sens caché, secret, à l’avers comme au revers de la pièce, où une branche d’olivier, symbole de paix, est accompagnée de la devise, LIBERTÉ ÉGALITÉ FRATERNITÉ.

Le succès de ce petit bas-relief raffiné et pur est immédiat, dans les milieux politiques et intellectuels, comme auprès du grand public.

André Hallays écrivait dans Le Figaro le 7 février 1897. « Le symbole est simple, vraiment populaire, et assez large pour que tout le monde y puisse découvrir et suivre son rêve familier. Chacun, en maniant cette pièce d’argent, y verra l’image de son idéal… »

Mis en circulation en 1897-1898, les francs à la semeuse vont continuer d’être frappés jusqu’en 1920. La figure de la Semeuse va renaître en 1958-1960 avec la création du nouveau franc.

Fondation Oscar Roty : En 1978 sont déposés les statuts de la fondation Oscar Roty, par Georges Roty son fils. L’objectif est de réunir les fonds Roty : dessins, modelages, sculptures, matrices, médailles, fontes et aussi objets du quotidien d’Oscar Roty. Pour faire connaître l’œuvre et la promouvoir dans le monde.

Membre élu de cette fondation depuis peu, j’ai à cœur de vous en parler et de faire revivre Oscar Roty, chers amis membres de la FIDEM, et passionnés de l’art de la médaille.

J’ai aimé me replonger dans l’œuvre de Roty, qui depuis mes études de graveur à l’école Boulle m’a toujours accompagné. Découvrir les écrits, les commentaires de l’époque, il y a 150 ans… Nous montre qu’aujourd’hui, pas beaucoup de changement quant à la reconnaissance de l’art de médaille, pas ou peu de formation sur les fondamentaux (dessin, modelage, gravure) ; le dernier académicien graveur médailleur en France était Raymond CORBIN (1907-2002), élu en 1970.
La Monnaie de Paris, depuis 2021, organise un concours pour réinventer la médaille, adressé à des créateurs plasticiens et/ou designers francophones.

Avec la fondation Oscar Roty, nous créons un concours sur l’Art de la médaille, dans la lignée du concours anglais de Marcy Leavitt Bourne : “Student Medal Project”, où nous avons par trois fois fait participer des élèves français de 2015 à 2018. Ce concours sera pour des élèves en formation de gravure, de sculpture ou du numérique en 3D appliqué à la médaille. Le projet se finalise avec la Fondation Oscar Roty, pour se concrétiser bientôt.

Alors demain, l’art de la médaille, un Art ou une technologie ?

À cette question, en fait, il n’y a pas une seule réponse, car chacun est libre de faire ce qu’il veut, et d’aimer à loisir. L’art de la médaille, aujourd’hui, est très ouvert.

Pour moi, la médaille est en métal frappée (ou fondue), issue de la création d’un bas relief dessiné, sculpté, puis gravé car c’est mon métier, mes valeurs. J’aime bien sûr, la gravure sur acier, sur la matrice, la taille directe que je pratique, la finition main, indispensable pour supprimer les traces de la machine et donner une âme à mes créations. Nos anciens m’inspirent toujours, Oscar Roty en particulier.
J’aime mon métier, j’aime le transmettre pour rendre cet art de la médaille, vivant et unique. J’aime aussi profiter de la caractéristique unique de la médaille dans le monde de l’art car il y a toujours un avers et un revers, et ainsi partager des créations avec des médailleurs d’autres pays : Eva Deng de Chine, et Ewa Olszewska-Boris de Pologne pour une création en cours.

L’histoire nous le montre, cet art a connu des hauts et des bas. Après la Renaissance créative, inspirée et prolixe, la médaille devient un outil politique, la palette d’expression est répétitive, technique. Puis les apports technologiques, comme le tour à réduire par exemple, ont ouvert la porte aux artistes, sculpteurs, pour redonner un grand A à l’Art de la médaille.
Pas de règles vraiment, ce qui compte pour moi, un peu comme Oscar Roty, c’est que l’art de la médaille ait sa place dans le palais des Arts. Elle doit être composée, dessinée… équilibrée. Elle peut être pensée et dessinée en grand mais toujours avoir à l’esprit qu’elle sera prise entre les doigts de nos mains et vue avec nos yeux, aidés parfois de lunettes, mais pas agrandis à 200 % sur un ordinateur.

Je ne suis pas contre les nouvelles technologies, je les utilise moi-même, avec une maîtrise mesurée, mais je reste graveur, pas infographiste, ni infodesigner… Il est très difficile de maîtriser un bas relief subtil avec la 3D, je trouve les rendus trop graphiques, trop industriels… Il y a aujourd’hui des prouesses numériques qui m’impressionnent, sur la copie d’ancien, mais il manque de passage, entre les plans, tout est toujours trop marqué, trop sec. C’est là que la main peut apporter le petit supplément d’âme.

Toujours comme pour Roty et notre Semeuse nationale, il faut rendre le dessin, la composition, et le symbole fort, pour toucher le cœur des gens. L’art est là pour nous faire vibrer et l’Art nous inspire. Nous sommes un métier d’art alors il faut trouver le bon équilibre entre l’artisan et l’artiste. Alors que la médaille continue de s’épanouir, tenue entre nos doigts et regardée dans le creux de la main, pas en tant qu’Art mineur, mais comme un Art, tout simplement.

Merci.

Très heureux d’avoir pu vous présenter Oscar Roty et La Semeuse de Roty que vous pouvez voir ici derrière moi, j’ai, je suis en train de faire une création sur cette Semeuse d’Oscar Roty avec l’histoire des Francs, le Franc à cheval de Jean le Bon, cette Semeuse de Roty et la dix Franc Génie pour une création pour une association numismatique. Mais le projet n’est encore pas officiel. Très heureux d’avoir essayé d’approcher au plus proche cette gravure d’Oscar Roty, je vous en parlerai quand le projet sera officiel. En tout cas, je voulais remercier l’équipe FIDEM Japon. Merci beaucoup, dans cette période de COVID, de nous permettre de pouvoir présenter notre travail et de pouvoir, à travers le biais de conférences. Continuer malgré cette pandémie.

Merci beaucoup à vous. Merci à toute l’équipe japonaise ありがとうございました。et à très bientôt.

Nicolas Salagnac
Graveur médailleur Meilleur Ouvrier de France à Lyon – France

Lien vers la vidéo de la conférence Oscar Roty
Lien fondation Oscar Roty.