Nous assistons depuis quelques années à une véritable renaissance de l’art de la Médaille. Au Salon des Champs-Élysées, au Luxembourg, les visiteurs s’arrêtent longuement devant les vitrines réservées aux graveurs et parfois s’y pressent le dimanche.
Cette année encore, le jury de sculpture a voulu montrer, par les hautes récompenses qu’il a décernées à MM. Patey et Bottée, en quelle haute estime il tenait leurs travaux.
Il y a vingt ans, l’État était le seul protecteur des graveurs ; aujourd’hui le particulier désire posséder, sous la forme d’une plaquette, l’image de ceux qu’il aime. Dans les musées des pays étrangers, le voyageur peut voir, placées en bonne lumière, les œuvres des médaillistes français.
Nous avons donc lieu de nous féliciter car il n’en a pas toujours été ainsi. Rendre hommage aux Maîtres qui, par leurs belles conceptions et leur puissante esthétique, ont ramené ce sympathique intérêt sur un art qui semblait abandonné, est donc un devoir. N’est-il pas également juste de rappeler ici le nom de l’éminent écrivain d’art, M. Roger Marx, qui n’a cessé d’appeler l’attention du public sur nos travaux et n’a négligé aucune occasion d’indiquer à l’administration des Beaux-Arts, les mesures à prendre, les réformes à apporter, pouvant contribuer à l’épanouissement d’un art vraiment national. Quant à moi, je tiens à lui en exprimer personnellement toute ma reconnaissance.
C’est au grand statuaire Chapu que nous devons la dernière évolution de la Médaille. Avant de partir à Rome comme pensionnaire sculpteur, il avait obtenu un prix de gravure.
Les études spéciales qu’il avait dû faire à cette époque l’avaient préparé à comprendre les difficultés du bas-relief et certainement, de ces études, il lui était resté une délicatesse de touche qu’on retrouve dans ses statues et surtout dans cette admirable suite de médaillons, commencée à Rome, continuée à Paris et dont quelques-uns sont dignes d’être comparés à certaines médailles de Pisanello. Les artistes, ses confrères, furent unanimes à les considérer comme autant d’œuvres parfaites, résumant toutes les qualités d’art. Ils furent bientôt entre les mains des graveurs qui n’eurent plus qu’un désir, recevoir les conseils de ce maître. Il était bienveillant et bon. Aussi, consentait-il à corriger leurs études et dans ces entretiens intimes où l’artiste donne libre cours à son cœur, il aimait à développer ses idées sur leur art. Combien j’envie ceux-là que je ne veux nommer ; aussi, quelle n’a pas été ma tristesse, alors qu’à un moment de ma vie où les circonstances m’ayant rapproché de lui, j’espérais le voir souvent et l’aimer, la mort l’a ravi à l’art et à l’affection de ses chers élèves.
En étudiant les expositions depuis vingt années on peut deviner combien ses conseils portèrent rapidement leurs fruits :
Sous son heureuse influence les yeux se dessillent, les courages s’affirment. Aux médailles froides, classiques, d’un dessin convenu, succèdent celles de Degeorge. Ia médaille de l’Eglise de Montrouge, un chef-d’œuvre, le met de suite hors de pair. Il s’y montre respectueux de la nature, ingénieux dans les arrangements, dessinateur impeccable. Il y a dans cette médaille, comme un souffle raphaëlesque et aussi une sincérité, une naïveté, une poésie qui émeuvent. La composition est claire, les plans bien entendus, l’harmonie exquise ; la forme tourne doucement et se colore avec une saillie minime. Le chemin nous est désormais tracé.
Avec Chapu et Degeorge la médaille n’est plus l’objet de curiosité banal, que l’on ne regardait que la loupe à la main. C’est désormais un bas-relief de métal. Les maîtres d’autrefois l’avaient compris : ainsi aucun souci d’étonner par le métier, parfois même ils sont malhabiles, leur préoccupation unique est l’effet décoratif.
Désormais la jeune école ne s’attache plus au métier, l’habileté de l’outil n’est rien. Il y a un but plus élevé à atteindre : celui d’être compris, d’être clair, car nous ne travaillons pas seulement pour les érudits, pour les délicats, mais encore et surtout, pour le peuple. Ne devons-nous pas, en effet, fixer sur le métal les événements principaux de notre époque, conserver les traits de ceux qui ont contribué à la gloire de notre pays ? Notre mission dans l’Art est admirable. Nous notons le bien ou le mal fait, et aujourd’hui, élargissant notre domaine, nous aimons à nous inspirer des sentiments de l’humanité à laquelle nous appartenons, de ses souffrances, de ses joies, de ses aspirations.
Qui de nous n’a ressenti, bien des fois, une réelle et vive émotion en songeant que les médailles sorties de nos mains, révèleront aux générations futures, le niveau de l’art à notre époque et notre ardent amour pour l’humanité.
Oscar ROTY, de l’Institut.
De CHARLES SAUNIER
« AUGUSTIN DUPRÉ, ORFÈVRE, MÉDAILLEUR ET GRAVEUR GÉNÉRAL DES MONNAIES »
PRÉFACE DE M. O. ROTY, MEMBRE DE L’INSTITUT
PROPAGE DE PARIS SOCIÉTÉ DE PROPAGATION DES LIVRES D’ART
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