Portrait : Nicolas Salagnac, graveur de la République – Le tout-Lyon

Le tout-Lyon – actualité – du 7 au 13 février 2008 – Christophe Magnette

La médaille de la ville de Lyon, c’est lui. La médaille de la présidence de la République, c’est également lui. La médaille d’honneur de l’Académie de France à la Villa Médicis à Rome… c’est encore lui !! Lui ? Nicolas Salagnac, 40 ans, graveur médailleur entre Rhône et Saône. Garant d’un savoir faire séculaire, il entend aussi être prophète en son pays. Pas évident…

Rappel historique : C’est à Lyon que fût frappée il y a plus de 500 ans la première médaille française, par la volonté des notables lyonnais à l’occasion du passage dans la ville d’Anne de Bretagne et de Louis XII. Est-ce une surprise alors de retrouver dans la capitale des Gaules un « irréductible », un passionné qui tente de vivre de son art en tenant tête à des mastodontes, des éditeurs aussi prestigieux que puissants : la Monnaie de Paris et la Maison Arthus-Bertrand.

Maso Nicolas Salagnac ? Non, mû simplement par une formidable envie de création. Car le parcours de ce jeune quadra n’est pas banal. Très tôt le dessin est son violon d’Ingres. Son grand-père, ébéniste, lui susurre alors : « Quand tu seras grand, tu iras à l’école Boulle ». Et c’est le cas. En rupture de ban avec l’école, davantage destiné à la voie de « garage » le jeune garçon, à 15 ans, parvient à intégrer la fameuse école Boulle à Paris, en septembre 1985. C’est la révélation. Arrivé pour être ébéniste, c’est pourtant l’atelier de gravure qui l’accueille. Et le séduit. Après cinq ans de formation, diplôme des Métiers d’Art en poche, il doit dans un premier temps mettre ses illusions de côté « ma première expérience demeure un souvenir difficile car la mode était au pin’s et la médaille traditionnelle attirait peu ». Un temps assistant photographe à l’Hôtel Drouot, le jeune homme se fait les dents. Et attend son heure. Qui viendra de Lyon.

Des heures et des heures de travail. . .
« La société FIA – filiale de la maison A. AUGIS – cherchait un graveur pour remplacer son responsable d’atelier. J’avais 25 ans. Je n’ai pas hésité. J’ai quitté Paris pour Lyon ». Et l’histoire prend forme. En 2000, il obtient le titre de Meilleur Ouvrier de France graveur médailleur. Trois ans plus tard, c’est le grand saut : il se met à son compte. Et écrit les premiers chapitres d’un livre toujours ouvert. En décembre 2006, il présente « officiellement » la nouvelle médaille de la ville de Lyon : une médaille carrée représentant une vue aérienne de la cour de l’Hôtel de Ville depuis le beffroi, en direction de l’Opéra, avec le Rhône en arrière-plan. « Entre l’idée du projet et la matrice, plus de 200 heures de travail auront été nécessaires ».
Mieux, l’élection de Nicolas Sarkozy incite l’Élysée à vouloir créer une « autre » médaille, plus en adéquation avec le style sarkozien. Nicolas Salagnac se positionne. Le 15 septembre 2007, il est reçu à l’Élysée qui lui donne « carte blanche » pour faire des propositions « seulement on s’est mis d’accord…le 15 avril 2008 et le président souhaitait sa médaille pour l’accession de la France à la tête de l’Union Européenne début juillet ! ». Mais notre graveur lyonnais réussit son pari et réalise une médaille qui représente à l’avers, le palais de l’Élysée, et au revers les valeurs de la France.

Un savoir faire à valoriser

Pas rassasié, il réalise un tour de force similaire cette fois pour l’Académie de France 3 Rome la célébrissime Villa Médicis. Là encore, le timing est serré : brief le 5 octobre, présentation « officielle » le 5 décembre dans la « cité éternelle ».

Mais pour cette dernière réalisation, Nicolas Salagnac l’avoue sans ambages, il a ramé. « J’ai frappé à beaucoup de portes, sans beaucoup de retour. Heureusement, le Grand Lyon m’a suivi à hauteur de 2 000 euros ». Car c’est là que le bât blesse, l’argent. Si la Maison Arthus-Bertrand a édité sa médaille pour la Villa Médicis, si la Monnaie de Paris a fait de même pour la médaille de la ville de Lyon, le rapport reste inégal. Question de moyens. Ceux qui pensent que la réalisation de ses médailles lui ont rapporté fortune et prospérité peuvent réviser leur jugement « je serai tout juste imposable cette année » admet-il. Pour preuve son travail pour l’Elysée lui a rapporté une dizaine de milliers d’euros ; d’une bagatelle eu égard à l’investissement requis. En ce moment, il prépare une médaille pour la Gendarmerie Royale du Maroc. Il continue aussi, entre autre, à donner des cours dans un lycée professionnel à Saint-Amour dans le Jura.
Il se plaît également à s’imaginer s’échiner sur la conception de médailles pour la Région ou la CCI… lui l’ambassadeur lyonnais d’une compétence ô combien difficile. Nul n’est prophète en son pays d’aucuns disaient, Nicolas Salagnac le vérifie souvent. Pourtant les bienfaits pourraient parfois s’écrire sur l’airain.

Texte: Christophe Magnette – Photos: Mandrak / Saby Maviel – Matthieu Cellard