21ème concours MOF en gravure sur acier – 1997/2000.

21ème concours MOF en gravure sur acier – 1997/2000.

Médaille d'après un dessin de Vigée Lebrun, concours MOF 1997/2000, sujet imposé, gravure en "taille directe".

21ème concours MOF en gravure sur acier – 1997/2000.

Médaille d'après un dessin de Vigée Lebrun, concours MOF 1997/2000, sujet imposé, gravure en "taille directe", détail de la matrice gravée.

1 – SUJET IMPOSÉ :

D’après le dessin d’Elisabeth Louise VIGÉE LE BRUN, « visage de jeune fille », réalisation en poinçon ou en matrice de ce visage en taille directe sur acier pour l’édition d’une médaille.

RECHERCHES AUTOUR DU SUJET
Afin “d’entrer dans le sujet”, un travail d’approche est nécessaire. J’avais besoin de mieux connaître le peintre et ses œuvres, afin de mieux cerner son style, sa sensibilité… Quelques œuvres du XVIIIe siècle m’ont également permis de mieux saisir les tendances de la mode de l’époque (vêtements, coiffures…) et la manière de représenter en sculpture un visage, un buste…
vigee_Lebrun_IMG_4885Ci-contre : Elisabeth Louise VIGÉE LE BRUN (1758-1842), Peintre officielle de la Reine Marie-Antoinette.

Ci-dessous : Sculptures au XVIIIè siècle d’une tête de jeune fille : détails de visages.

Mme N. de LABORDE par A. PAJOU, Mme HOUDON par J.A. HOUDON, Andromaque par F. MILHOMME. Photographies © Nicolas Salagnac.

TRAVAIL PRÉLIMINAIRE À LA GRAVURE EN TAILLE DIRECTE.

Mon premier souhait est de retrouver le dessin original, au cabinet des dessins du Musée du Louvre. Cela me permet de m’imprégner de la force du dessin de E. VIGÉE LE BRUN et être plus près du travail de l’artiste.vigee_Lebrun_IMG_4884


Dessin d’Elisabeth Louise VIGÉE LE BRUN, peintre du XVIIIè siècle. Ce dessin est visible au cabinet des archives du musée du Louvre, à Paris.

Avant de commencer la gravure en “taille directe”, j’ai souhaité faire mes recherches et transcriptions du dessin au modelé, par un travail de sculpture sur plâtre, à l’échelle 3.  Ces étapes, m’ont permis d’entrer dans le sujet, de trouver des astuces pour le passage d’un dessin sur papier à une gravure en bas-relief d’un visage de jeune fille. Ces recherches seront mon guide pendant ce long travail en taille directe.

ÉTUDE PRÉPARATOIRE À LA TAILLE DIRECTE

Je ne voulais pas me limiter à mes connaissances et mes méthodes habituelles. J’avais une idée assez claire du rendu final que je souhaitais obtenir et j’avais plusieurs possibilités d’y parvenir.

Aussi, j’ai voulu confronter mes idées sur le sujet avec d’autres graveurs, sculpteurs, dessinateurs, et entendre leurs remarques et conseils. Cela m’a permis d’envisager des voies nouvelles.

Mes premières investigations ont été aussi beaucoup portées sur des recherches photographiques de visages de jeunes femmes. L’analyse de ces visages vus de face, profil, trois quarts et de certains détails (la bouche, les yeux…) m’a guidé tout au long de mon travail.

LA GRAVURE EN TAILLE DIRECTE

Vigee compo 2a© N. Salagnac

Fort des étapes précédentes, je me lance dans le vif du sujet : “La taille directe”.

– Report du dessin sur une gélatine à l’échelle 1 : 65 mm x 87 mm

– Gravure légère à l’onglette fine et ronde. A commencé alors le début d’un long travail.

– Puis mise en place des grands volumes. Poursuite du travail de taille directe, long et fastidieux afin d’accorder les différents volumes entre eux. Tout au long de ce travail, j’ai relevé les différents états, avec une empreinte en résine, pour me permettre de fixer l’évolution de ma gravure.


– Réalisation d’un poinçon
du nez et de la bouche. Trempe et enfonçage de celui-ci dans la matrice. Recuit de la matrice après enfonçage pour supprimer l’écrouissage du à la frappe du poinçon. Puis poursuite de la gravure en matrice. Il fallait apporter plus de douceur aux lèvres, les arêtes étaient trop vives, alors que la bouche est un volume de chairs rondes qui vient mourir au niveau des commissures.


– Finition de la gravure
par différents états de surface pour exprimer les matières (voile, visage, cheveux, etc.), ceci par polissage, ciselure…
– Traitements thermiques :
Matière : Z50CWDV5 – SMV5W – Poids : 10kg – duretés 59-60HRC
– Estampage et finition de 3 médailles :
La frappe des médailles s’est faite sur un balancier à frictions de 400 tonnes. Nous avons utilisé du cuivre et du bronze “demi-rouge”. Il y a eu une dizaine de passes, et entre chaque passe, un recuit, un déroché, un polissage et un dégraissage. Editées à 3 exemplaires : 2 en bronze dorée patinée viel or et un 1 en cuivre sans patine (pour apprécier la qualité de la gravure).

RÉFLEXIONS

Ce sujet, pourtant difficile, m’a motivé par sa richesse tout au long de sa réalisation. J’ai tout de suite été séduit par le dessin d’Elisabeth Louise VIGÉE LE BRUN, artiste que j’ai découvert à cette occasion. Le fait de traduire son dessin de visage de jeune fille, léger, subtile, doux en modelé était pour moi un beau défi à relever.

Ce qui était également motivant, c’était de travailler “à l’ancienne” et de retrouver la sensation de faire plus corps avec la matière travaillée.

Cela a été aussi pour moi un prétexte pour aller à la rencontre d’anciens graveurs, plus familiers avec la gravure en taille directe et ainsi pallier à une carence qui m’attriste dans ce métier : la rupture de la chaîne de transmission du savoir-faire…

Je remercie beaucoup Monsieur Bernard TURLAN, maître graveur retraité de la Monnaie de Paris, avec qui j’ai énormément appris et Monsieur Claude CARDOT MOF, graveur sur acier.

…………

Après mes 35 heures, le soir, la nuit parfois, quelques nombreux week-end et pendant certaines vacances, je me suis filmé pendant trois ans sur mes étapes pour le concours MOF, sujet imposé d’après un dessin de Vigée Le brun.

2 – SUJET LIBRE : CRÉATION D’UNE MÉDAILLE SUR LE THÈME « UN DES TRAVAUX D’HERCULE »

RECHERCHES SUR LE SUJET

concours MOF Hercule siteChoix du lion de Némée

Parmi les douze travaux d’Hercule, celui du lion de Némée est pour moi le symbole le plus fort. Il représente Hercule aux yeux de tous. C’est la Force, la puissance, le courage.

Le travail demandé à Hercule est de trouver le lion qui ravage alors le pays de Némée. Quand Hercule finit par se retrouver face au lion, il saisit son arc et ses flèches mais aucune d’elles ne parviennent à le transpercer. Le lion s’enfuit et Hercule le retrouve dans une caverne. S’enfermant dans la caverne avec le lion, il l’affronte et l’étrangle à mains nues. Il le dépouille et se vêt de sa robuste peau.

Représentations d’Hercule dans l’Antiquité. Il est presque toujours revêtu d’une peau de lion dont la gueule recouvre son crâne ; il porte une barbe courte et est toujours représenté avec un corps musclé et athlétique. Ses armes et attributs varient selon les adversaires qu’il affronte : le plus souvent la massue et l’arc, mais aussi l’épée dans un fourreau d’argent, remise par Mercure ; une faucille, pour trancher les têtes de l’hydre ; une fronde contre les oiseaux du lac Stymphale ; parfois doté d’une cuirasse en or forgée par Vulcain.

Parmi les travaux, l’épisode du lion de Némée est de loin le plus fréquemment représenté, en particulier dans la céramique attique. Il figure aussi sur les monnaies d’Héracléa, cité de Lucamie (Vè siècle av. J.-C.).

RECHERCHES ICONOGRAPHIQUES

Pour la création de ma médaille d’un des travaux d’Hercule, j’ai cherché à savoir, comment les artistes avaient traité le sujet par le dessin, la gravure ou la sculpture. Dans un deuxième temps, j’ai fait des recherches plus personnelles en mettant en scène des judokas pour trouver des postures de combats alliant la force, le mouvement, sur la base de l’étranglement.

1 – Monnaies diverses :

Syracuse – gravure attribué à Evainète – Pièce d’or – vers 400 av J.-C.
Cité de l’Iles de Lebée – Carysttus – début 2ème siècle av J.-C.
Cité de Thasos – Pièce d’argent – fin du 2ème siècle av J.-C.
Héracléa – Pièce d’argent – 3ème siècle av J.-C.
Monnaie face et revers
Cité de croton – Pièce d’argent – 3ème siècle av J.-C.

2 – Dessins, peintures et bandes dessinée : Léonard de Vinci et Michel-Ange.
Burne Hogarht, par la bande dessinée, m’a beaucoup inspiré, par ses scènes de Tarzan qui combat des lions et autres bêtes sauvages.

3 – Sculptures :

Les lions de A.L. BARY, sculpteur de nombreux modèles en bronze et des études en plâtre que l’on trouve au Louvre. D’autres sculpteurs comme CAIN notamment, ont également été des sources d’inspiration.

Michel Anguier (1614-1686) : Hercule aidant atlas & Nicolas Coustou (1658-1733) : Hercule Commode

Un bas-relief sumérien m’a surpris par une composition peu courante, avec un lion minuscule et un Gilgamesh (l’Hercule sumérien) surdimensionné, symbolisant la puissance et la filiation divine.

4 – Photographies de judokas : Participation de deux judokas en combat travaillant des techniques d’étranglement et de clefs de cou.

COMPOSITION DE LA MÉDAILLE

Pièce concours MOF, Hercule terrassant le lion de Némée

La force et la puissance ont été l’axe central de mes recherches. J’ai étudié longtemps des compositions pour mettre en valeur cette idée force.

Pour cela, j’ai beaucoup dessiné sur calque. Ce support me permettait d’enchevêtrer différentes attitudes. Ensuite, j’ai numérisé ces croquis. Je les ai retouchés, modifiés et transformés à plusieurs reprises. Ceci m’a permis d’obtenir la composition finale.

RÉALISATION DE LA MÉDAILLE

Sculpture : Après toutes ces étapes (recherches diverses, croquis…), en m’appuyant sur mon dessin, j’ai commencé le modelage en terre. Ceci m’a permis une mise en place rapide et vivante, à l’échelle 3.
De là, j’ai tiré une empreinte en plâtre pour effectuer des corrections, des ajouts de matière… Et ainsi de suite : moulage, contre-moulage, corrections…

Finalement, il y eut en tout 1 épreuve en terre, 4 contre-moulages et 4 tirages pour finaliser mon projet sculpté.
Tout au long de cette réalisation, j’ai cherché à m’entourer d’autres compétences (sculpteurs, dessinateurs, graveurs, etc.) pour enrichir mon propre point de vue.


Les nouvelles technologies de gravure :

J’ai soumis mon projet à plusieurs entreprises :
– Vision Numérique (concepteur de logiciels de gravure en deux ou en trois dimensions).
– La société Remishaw pour le palpage mécanique.
– La société ALLTEC pour l’usinage au laser.

Les résultats des essais que j’avais pu faire, en final ne me satisfaisaient pas pleinement.

Solution traditionnelle

J’ai finalement opté pour la réduction de ma sculpture au pantographe. En effet, ce mode d’usinage, me permet d’intervenir tout au long de la réalisation avec une plus grande souplesse, un meilleur contrôle et un travail plus précis sur les dépouilles.

– Finition main en gravure : Avec la finition main, j’apporte les dernières touches à la médaille. Je travaille également les matières (pelage du lion, sol, fond…) et supprime toutes traces d’usinage.
– Traitements thermiques : Matière : Z50CWDV5 – SMV5W – Poids : 10kg – duretés 59-60HRC
– Estampage : La frappe des médailles s’est faite sur un balancier à frictions de 400 tonnes. Nous avons utilisé du cuivre et du bronze “demi-rouge”. Il y a eu plusieurs passes, et entre chaque passe, un recuit, un déroché, un polissage et un dégraissage.

Les médailles d’Hercule ont été mises à la côte par tournage. Diamètre 84 mm, éditées à 3 exemplaires : 2 en bronze dorée patinée viel or et un 1 en cuivre sans patine (pour apprécier a qualité de la gravure)

RÉFLEXIONS ET CONCLUSION

Il m’a été difficile d’entrer dans ce sujet parce que j’étais bien occupé sur la gravure du visage de jeune fille.

C’était un travail de création intéressant, motivant. J’ai aimé me plonger dans le monde des nouvelles technologies en gravure, voir et tester les intérêts et limites de chacune d’elles. Après réflexion et étude de ces nouvelles voies, j’ai préféré revenir vers les méthodes traditionnelles, peut-être moins rapides, mais qui permettent de garder une proximité avec le travail en cours.

De plus, le travail de création m’a permis de tisser des liens avec des artisans d’horizons diverses. Ces contacts “inter-métiers” ont été très enrichissants car chacun a pu apporter des éléments qui m’ont guidé jusqu’à la finalisation de ce projet.

En conclusion, ces deux sujets m’ont particulièrement passionné. De par leur richesse et leur complexité, chaque avancée révélait de nouvelles subtilités. C’est pourquoi il m’a été difficile de mettre fin à ce travail. Dans la réalisation d’une gravure, on a le sentiment que l’on pourrait toujours aller plus loin… Mais décider la fin d’une réalisation, c’est à la fois frustrant et régénérant.