Nicolas Salagnac

Claude Cardot MOF 1972 graveur en modelé

Monsieur Gadoux est professeur de gravure des Beaux-Arts de Saint-Etienne. Il a comme élève Claude Cardot avec qui le contact et les échanges sont toujours actifs. Il lui dit un jour : « Faites donc un jour le concours de Meilleur Ouvrier de France ».

Claude se lance alors sur la gravure d’un poinçon en acier gravé en taille directe à l’effigie de son père, qu’il va présenter au concours MOF. Un travail de 10 mois, environ 400 heures. Son ancien prof de gravure, Gadoud passe le voir trois fois pendant son concours MOF.

C’est là qu’il lui dit s’être trompé sur Claude, et que sa pièce est un beau boulot.

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Le père de Claude meurt en 1968.

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Claude devient MOF du Rhône en 1972, XIII promotion.
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Claude Cardot est né à Saint-Étienne le 17 Juillet 1934. Il est le dernier d’une fratrie de 7 enfants, 4 sœurs et 2 frères.

Un papa cheminot, « litigeur », en charge de régler les conflits et puis sculpteur sur bois pour le meuble à ses heures perdues. Il travaillait beaucoup la terre glaise. Claude se souvient petit, pointer souvent son nez au dessus des modelages de son père, installé dans la cuisine familiale.

Et une maman couturière. Tout gamin, Claude aimerait être couturier, il aide sa mère sur les ourlets, il est sensible au tombé des tissus, au mouvement des robes.

A l’école tout va très bien avec les maths, par contre le français est compliqué et l’orthographe lui est illogique, il écrit à l’oreille et cela ne passe pas. Puis c’est le certificat d’étude, étape ratée… à cause du dessin, Claude avait un peu triché et utilisé le compas…

De 14 à 20 ans aux Beaux-Arts de Saint Etienne

A 13 ans, il fait le tour des métiers : il voit la ferronnerie d’art, la maçonnerie et le jeudi, jour férié à l’époque il pousse les portes des Beaux-Arts de Saint-Etienne où son frère Jean est déjà étudiant depuis quelques années. Claude se distingue en dessin, les profs font des comparaisons entre les deux frères : Claude est meilleur en dessin mais Jean est plus travailleur. Claude papillonne…

Il aimerait faire sculpture mais ses professeurs le trouve meilleur en gravure. Il fera donc de la gravure sur arme en semaine avec Monsieur Gadoud, 16 heures de cours semaine et le samedi de la sculpture de 9 h à 12h.

Et puis la montagne dès que possible, rencontre avec les guides de haute montagne et belle virée en altitude le régénère.

Claude commence à gagner sa vie. Il y a l’époque près de 80 graveurs sur armes à « Sainté », et c’est la crise, les soucis de la « Manu », il ne reste que 15 graveurs…

Devant ce fait, il réfléchis à d’autres axes de travail, et notamment comment associé ces deux métiers de graveur et de sculpteur.

Claude va voir à Lyon, il rencontre Mr Ballet, montée des épis, ils travaillent pour Charles Perroud. La semaine de travail est à environ 54 h semaine.

Il a 27 ans, il est marié et père de trois enfants.

Faire ses propres créations le « titille », il propose à Perroud un modelage d’une tête de Christ, puis une Vierge en prière… Il gagne bien sa vie. Et il poursuit cette ouverture, il rencontre la Maison Augis, montée Saint Barthélémy à Lyon. Augis voit la qualité des créations et les achète… Pour fini par embaucher Claude à la gravure.

A l’atelier de gravure, il y a Daniel Simonet, formé à l’école Boulle. La rencontre de nos deux graveurs est un peu tendue (Lyon / Saint-Etienne…), la rivalité n’aide pas à un travail de collaboration, ni d’échange… Ce duo ne prendra jamais vraiment.

En 1966, Claude préfère sa liberté et il s’installe à son compte tout en continuant de travailler beaucoup pour Augis, il est au 13, rue des Capucins à Lyon de 1966 à 1981.

Dans les années 1970, la Maison Augis se scinde en deux et quitte le couvent des Récolets de la Montée Saint Barth. FIA est créée pour les médailles, médailles militaires et tape de bouche, Augis garde les médailles religieuses et l’orfèvrerie.

En 1972, il devient MOF graveur médailleur.

Après 1981, cela devient un peu chaotique… Il vit sur son bateau, fait des missions est conduit des voiliers…

En 1994, Claude est sollicité par les patrons de FIA pour les aider à trouver un graveur susceptible de prendre la suite de Jean Redon qui arrive à la retraite, responsable de l’atelier gravure.

Pour cette recherche Claude va à l’école Boulle, à l’atelier de gravure en modelé. Il rencontre Bernard Le Hir. Claude voit mon travail de diplôme (de Nicolas Salagnac), il a une intuition et conseille FIA de me débaucher de mon poste de graveur à Paris pour venir en capitale des Gaules.

Il propose de continuer à me former pour me pousser plus loin encore, mais cela ne se fera pas.

Dans cette période 1994 à 1997, je suis responsable de l’atelier de gravure, l’âge d’or de la médaille est passé, les commandes sont plus difficile, il faut s’attacher à être le plus qualitatif possible et c’est en équipe que nous travaillions à l’atelier de gravure avec Gisèle et Michel, et l’ensemble des collaborateurs de FIA.

Claude Cardot est indépendant, il est au Presbytère de Chanos-Curson. FIA lui confit les beaux projets et c’est pour moi des moments particuliers, voir la gravure, regarder les détails, chercher à comprendre la manière de faire, les outils utilisés… Chaque création était de petit moment particulier, un bain de jouvence et de beauté.

Claude m’avait atteint, j’ai attrapé le virus.

Dans un premier temps il me conseille de me présenter à la Monnaie de Paris. Ils cherchent des graveurs… Mais il y a une formalité. Il ne suffit pas de montrer son book au directeur de l’époque Monsieur Emmanuel Constant, il y a un concours de 24 h sur 3 samedis avec de multiples épreuves en gravure et en dessin. Je passe trois fois ce concours sans succès.

Puis en 1997, une affiche : « Devenez Un des Meilleur Ouvrier de France ».

Je vais voir le sujet, je suis emballé, et m’inscris. Un bon moyen d’avancer et d’aller apprendre auprès des anciens, dont Claude Cardot. Les échanges et les conseils de Claude sont précieux. Je passe par des hauts et des bas sur ce concours, mais j’avance. En final, je livre mon travail dans les temps, j’ai fait de mon mieux, et pas simplement ce que je savais faire, car j’avais été plus loin encore.

En novembre 2000, j’apprends ma réussite à ce concours.

Claude Cardot s’est éteint Samedi 14 Août à l’âge de 87 ans.
Ses obsèques ont été données à 16h le jeudi 19 Août à Valence, sans fleurs ni couronnes selon son souhait. Repose en paix, merci encore pour ce chemin commun parcourut, condoléances pour Roseline et ta famille cher Claude.

Merci Claude.
Écrit par Nicolas Salagnac, MOF 2000 graveur médailleur.

Mon texte lu lors des obsèques de Claude :

Chère Roseline, Chère Famille et amis de Claude, 

Permettez-moi de représenter en cet instant le Président National des Meilleurs Ouvriers de France, Jean-François GIRARDIN, et le président du groupement MOF du Rhône, Guy LORIOT afin de vous transmettre les sincères condoléances et la compassion de la grande famille des  « M.O.F ». Une famille que tu as rejoint Claude en 1972, par cette gravure d’un poinçon en acier avec lequel tu as gravé le portrait de ton père.

Le 16 Juillet dernier c’était ton anniversaire : j’ai voulu profiter de ce moment pour prendre de tes nouvelles, et échanger avec toi. Mais je n’ai eu tristement que ton répondeur. Sans doute prémonitoire puisque ce lundi écoulé Roseline m’apprenait ton départ.

Alors me voici là, devant toi et les tiens avec ces quelques lignes pour te rendre hommage et pour te dire combien je te dois ! 

En 1994, c’est toi qui repères mon travail d’élève graveur à l’école Boulle et qui conseilles alors FIA de m’embaucher. FIA est une filiale d’Augis, médailleur historique à Lyon où tu as jadis travaillé. Je quitte donc la « grande »  capitale  pour celle des Gaules, où je deviens responsable de l’atelier de gravure. Ainsi, tu me fais entrer dans le monde de la médaille, merci à toi.

Très vite tes créations gravées en free-lance pour FIA m’inspirent. Je scrute l’arrivée de tes matrices… Elles sont pour moi des références.

Je revois ta matrice pour Béthune, et l’ensemble des petits détails qui t’ont permis d’habiller cette belle plaquette : les tuiles du toit, les ferronneries du bâtiment, la végétation, les arbres. Tu allies un léger modelé, travaillé avec ton pantographe, avec une gravure main aidée de tes outils, de tes ciselets… pour dessiner la matière. Il y a aussi tes matrices d’Écus puis d’Euros temporaires de villes. Tes gravures sont uniques.

Elles sont mes cahiers de vacances pour apprendre et pour progresser.

Puis en 1995, arrive ta matrice pour la médaille du Président de la République Française, Jacques Chirac. Je t’enviais d’être l’auteur d’une telle création, pour le plus haut sommet de l’État français, paraphée de ta signature, gravée en petit à l’envers et en creux.

Tu étais libre, indépendant, créatif, et un excellent  graveur. Il m’aura fallu un peu de temps, pour suivre ton chemin, et mettre mes pas dans les tiens.

Avant, le titre de Meilleur Ouvrier de France ne me parlait pas, pourtant venir à Lyon, c’était arriver en terre MOF et de gastronomie avec notre Pape de la discipline Paul Bocuse, avec les amis Gabriel Paillasson pour la Pâtisserie et notre Obélix des MOF du Rhône, Pierre Pignat.

En 1997, je vois une affiche, devenez un des Meilleurs Ouvriers de France. L’aventure m’inspire mais suis je à la hauteur ? Je tente, tu me soutiens. Bernard Turlan, graveur de la Monnaie et toi m’aidez, me soutenez, me conseillez… Cela est inoubliable et ma reconnaissance à votre endroit n’est pas feinte ! 

En 2001, avec la promotion 2000, nous recevons notre médaille MOF. Un nouveau départ pour moi. Inspiré par toi, je choisis de voler de mes propres ailes. Tu m’aides et me conseilles, tu me mets en contact avec tes éditeurs… et c’est parti ! 

En 2008, j’ai la chance de faire à mon tour, la médaille officielle d’un président de la république française… 

Et nous voilà aujourd’hui quelque vingt ans plus tard….

Nous échangions de temps en temps, je prenais de tes nouvelles et tu me demandais de te parler de mes projets en cours. Nul besoin de t’expliquer les difficultés d’être à son compte.  Tu as été heureux de m’aider, de m’accompagner sur mes projets et notamment une médaille de la Sainte famille, même si cela n’a pas été simple.

Je me remémore nos dernières rencontres, nos derniers échanges.

Tu as accepté de prendre un de mes élèves en stage, quelle chance pour lui !  

Et puis tu as voulu te séparer de ton « panto », pour qu’il soit utile à d’autres… J’ai pu l’intégrer à mon lycée ; il te survivra dans une certaine idée de la transmission, idée qui t’était si chère … 

Tu es d’une génération que l’on ne trouve pas sur internet. Pourtant tes créations sont entre pas mal de main, mais on ne trouve pas grand-chose sur toi sur cette toile, aujourd’hui incontournable.

J’ai insisté auprès de toi pour faire un article sur ta pièce de MOF. Nous étions d’accord qu’il fallait répertorier, photographier et écrire sur ton travail mais cela était lourd et long… Et le temps passe.

J’aimerais poursuivre et mieux faire connaître tes créations… Les numismates te connaissent mal, mais ils t’apprécient et te rendent hommage, notamment le président de la Fédération Française des Associations Numismatiques, Bruno Vicentini.

Heureux d’avoir été invité sur tes expositions que tu partageais avec Roseline, heureux aussi de continuer dans tes traces ; je ne lâche rien et continue de valoriser notre Métier d’Art rare de graveur médailleur.

Merci Claude pour ce que tu as été, merci d’avoir partagé avec moi un bout de chemin qui tend vers l’exigence et l’excellence, merci de m’avoir mis des étoiles dans les yeux, merci d’avoir transmis, merci d’avoir été mon maître…

Te rencontrer, grave bien, non !

 

Lien vers le site des MOF du Rhône.