Hommage à TRÉMOIS, académicien du trait gravé

J’apprends avec tristesse ce jour, le décès à 99 ans, de Pierre-Yves Trémois, le 16 Août 2020.
J’adresse mes sincères condoléances à sa famille et souhaite ici rendre hommage à ce Grand Monsieur du monde de la gravure par quelques souvenirs et les médailles qu’il a créées.

Nous venions de nous croiser le Lundi 11 Février 2019, pour l’inauguration de l’auditorium André et Liliane Bettencourt, 3 rue Mazarine, à Paris. En 2017, l’Institut de France me confiait la réalisation des médailles pour son auditorium, d’un diamètre de 90 mm, modelée au droit et au revers. Elle a été réalisée d’après les dessins d’Erik Desmazières, membre de l’Institut (Académie des Beaux-Arts) et frappée par la Monnaie de Paris.

Lien article création médaille Auditorium Bettencourt de l’Institut de France.

À la suite de l’inauguration les membres de l’académie recevaient la médaille qui m’avait été confiée. Ici avec TRÉMOIS et Erik Desmazières, nous échangeons quelques mots sur la gravure, la médaille. Heureux de rencontrer TRÉMOIS pour la première fois.
Je lui partage mes souvenirs d’étudiant en gravure en modelé à l’école Boulle, quand par deux fois, il m’a marqué :
J’avais croisé vers les années 1980, sa sculpture monumentale de la station RER Châtelet les Halles, (commandée en 1977 par la RATP), sans connaître son auteur au début. Et surtout la découverte de ses médailles gravées par la Monnaie de Paris vers 1983, montrées ici plus bas dans mon article.

Mais ses médailles sont trop peu sur la toile… à part sur Ebay. D’où cet article.

J’étais à l’époque au début de mon parcours de graveur, en herbe… Et déjà, techniquement, ses médailles m’avaient interpelé.
TRÉMOIS est un graveur du trait, avec une base académique forte et enracinée. Il aura exploité l’art du trait pour toucher la pureté, l’équilibre et la beauté. Le rendu de ses médailles restituait cette puissance de la ligne et la force du trait.
Toutefois, la traduction de ses dessins en matrice pour frapper ses médailles aura été un casse-tête pour l’atelier de gravure de la Monnaie de Paris, graver les sillons creux de la médaille, c’est laisser ses sillons en relief dans la matrice, et donc descendre les fonds… Puis, lors de la frappe des médailles, le métal fuse, les frappes successives marquent, les traits sur les bords de la médaille sont doublés, triplés, mais quel résultat.


Photo Claude-Matthieu Pezon

TRÉMOIS a gravé la troisième planche de la série consacrée à la Monnaie de Paris par les maîtres actuels de l’estampe.

Pour la Monnaie, TRÉMOIS a gravé spécialement cette grande planche offerte aujourd’hui aux adhérents du club et que l’on voit photographiée sur notre couverture une composition savante, qui exige une préparation à l’eau forte puis une gravure au burin et un double passage sur les presses du maître-imprimeur Lacourière, créée, dans une sorte de vibration, comme un tournoiement, une hantise du cercle, qui donne au geste du monnayeur antique on ne sait quelle grandeur cosmique rejoignant à travers le temps la production des presses les plus modernes, et suggère le flux perpétuel des circuits monétaires.

 

 

 

DES MÉDAILLES DE TRÉMOIS (Le Club  Français de la médaille n°81 2 ème trimestre 1983)

Les dix médailles bifaces composant cette série sont éditées pour le Club en frappe libre, au diamètre approximatif de 54 mm, avec anneau pour chaîne de cou. Ces dix médailles sont les suivantes :

LA CRÉATION
Avers. D’entre les lèvres d’un visage, s’échappe un serpent. Dans le champ, des œufs de reptile.
Revers. Dans la coupe d’un œil, la main du graveur.

ALLIANCE I

Avers. Le couple.
Revers. Le couple, en relief, se dresse dans le cosmos.

ALLIANCE II
Avers. Dans les chaînes de l’ADN, un couple à la recherche de son identité.
Revers. Autre séquence de la création les énergies potentielles de la matière étudiées dans la « chambre à bulles».

Dessin : Couple à l’ADN. 1981. Burin/eau-forte 56×46,5 cm.

ALLIANCE III
Avers. Un couple enlacé dans le rayonnement des astres.
Revers. Double version du serpent à deux têtes, dans l’une, la dyade s’autodévore.

ALLIANCE IV
Avers. Le couple, enlacé, sort de la mer.
Revers. Un poisson fossile porte un fœtus humain.

ALLIANCE V
Avers. La femme se donne à l’homme qui la porte.
Revers. Le fossile de la raie.

ALLIANCE VI
Avers. Envol du couple.
Revers. Transmutation de la mort par le scorpion zodiacal, symbole du sexe.

ALLIANCE VII

Avers. Plongée du couple.
Revers. Chance d’avenir, un fœtus sur orbite d’un monde qui éclate.

LA MORT TRAVERSÉE
Avers. Regard de l’homme, regard d’aigle.
Revers. La mort éclatée.

La frappe de chacune de ces dix médailles est limitée comme suit : 10 exemplaires en or au 1er titre (920/1 000), numérotés de I à X, 50 exemplaires en argent au 1er titre (925/1 000), numérotés de 11 à 60, 200 exemplaires en bronze florentin, nu­mérotés de 61 à 260.

En outre, trente-huit séries indivisibles sont offertes sans anneau dans un coffret-vitrine en plexiglas, à raison de : 3 séries de 10 médailles en or au 1er, titre (920/1 000), numérotées de O.I à O.III et pré­sentées dans un coffret-présentoir en plexiglas de 69 cm de longueur sur 21 cm de hauteur ; 10 séries de 10 médailles en argent au 1er titre (925/ 1 000), numérotées de A.I à A.X, et présentées dans un coffret-présentoir en plexiglas de 47 cm de longueur sur 21 cm de hauteur ; 25 séries de 10 médailles en bronze floren­tin, numérotées de B.I à B.XXV et présentées dans un coffret-présentoir en plexiglas de 47 cm de longueur sur 21 cm de hauteur.

Les dix médailles de la série feront l’objet d’une autre édition dans la Collection géné­rale de la Monnaie, dans une forme rigoureu­sement circulaire avec un diamètre de 81 mm, sans limitation de tirage. La série sera toujours divisible. Chaque exem­plaire sera vendu, en bronze et en argent, au module de 90 mm. En or, uniquement sur commande préalable.

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Pierre-Yves Trémois, est né le 8 janvier 1921 à Paris. En 1978, il est devenu membre de l’Institut de France (Académie des beaux-arts, section de gravure), élu au fauteuil Paul Lemagny. Son épée d’académicien est un sabre Japonais  Wakizashi,  avec une lame du XVe siècle ornée de deux plaques d’or qu’il a gravées avec ses mots : « La ligne est mon partage ».
En 1943, il obtient le Premier Grand Prix de Rome de peinture. Dès 1944 il se consacre au monde de la gravure au burin et à l’eau-forte, son œuvre serait estimée à plus de mille gravures. Des critiques d’art disaient de lui (sources wikipédia) :
« Refusant l’adhésion à un quelconque mouvement contemporain, ce peintre indépendant maintient avec autorité un style classique où il se distingue par un graphisme sobre, d’une grande pureté, et par une constante fidélité au sujet – projetant néanmoins ses figures humaines sur des formes protoplasmiques, il fait coexister ainsi plusieurs échelles de grandeur. » Les Muses, encyclopédie des arts.

« Attiré par le corps humain, les visages, le monde animal (singes, insectes, escargots et crapauds) et l’univers scientifique contemporain, Trémois propose, à partir de ces thèmes, des variations et des méditations sur les étreintes amoureuses, l’homme confronté avec son double intérieur : le singe, ou les relations retrouvées macrocosme-microcosme à l’ère d’Einstein, de Teilhard de Chardin et de Jacques Monod. » Pierre-André Touttain.

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Le 23 Mai dernier, son épouse Catherine Trémois me répondait suite aux liens que j’aime à tisser avec les artistes et artisan·e·s dans mon métier de graveu·r·se.
Monsieur,
Nous avons bien sûr en mémoire la belle médaille de l’auditorium que vous avez gravée sur le dessin de notre ami Erik Desmazières.
Mon mari vous apportera toujours son soutien moral, en regard du magnifique travail que j’ai découvert plus profondément sur votre site. Il est hélas fatigué, physiquement, mais si vous avez besoin de sa caution, ce sera l’hommage d’un graveur à un autre graveur .
Bien cordialement.

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Reposez en paix Monsieur Trémois, accompagné et entouré de vos Créations, de vos Muses et inspirations foisonnantes.

Nicolas Salagnac

Lien vers le site de Pierre-Yves Trémois /Bibiographie.

Voir article Connaissance des Arts : Disparition de l’artiste Pierre-Yves Trémois, le « fou du trait »/ Connaissance des Arts.
Voir article Figaro : Décès du dessinateur Pierre-Yves Trémois, «fou du trait»/Figaro

Photographies issues des catalogues le Club Français de la médaille et transmis par Mme Catherine Trémois – merci.